La Petite Malpierre


Camp de concentration
Histoire du site avant la seconde guerre mondiale

Avant la Seconde Guerre Mondiale, c’était un champ de tir utilisé par le 26ème régiment d’infanterie (le grand régiment de Nancy), en bordure du champ de manœuvres, près du lieu-dit « les Fonds de Toul », à l’extérieur de la ville, en direction de Toul comme on peut le voir sur la carte topographique du Service Géographique des Armées de 1889. Il y avait un tertre, en arrière du monument actuel, qui servait à arrêter les balles.

La Petite Malpierre est un lieu-dit situé à l’Ouest de Nancy, sur la commune de Champigneulles, près du hameau des Baraques, non loin de l’autoroute A 31 et de son échangeur. Ce fut le principal lieu d’exécution des résistants et otages de Meurthe-et-Moselle, du 31 janvier 1941 au 9 septembre 1944. 28 % des fusillés de la Meurthe-et-Moselle furent exécutés en ce lieu. Les victimes étaient originaires de Nancy et des environs, ainsi que d’Auboué dans le « Pays Haut ».

Aujourd’hui, la Petite Malpierre est une clairière située dans la forêt de Haye.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le conseil municipal de Champigneulles, commune sur laquelle se trouvait le champ de tir, décida, par une délibération du 9 octobre 1946, d’ériger un monument en mémoire des fusillés. Le préfet de Meurthe-et-Moselle s’opposa à l’érection immédiate de ce monument en raison de la législation en vigueur (lettre au maire de Champigneulles du 12 novembre 1946) et ce malgré les nombreuses demandes des familles des fusillés. Ce ne fut seulement qu’en septembre 1963 qu’un monument fut érigé et inauguré peu après grâce à M. Henry qui fit don de la stèle. La clairière devint donc un lieu de mémoire (voir carte IGN au 1 / 25 000è Nancy-Toul de 2007). Le monument, situé à une vingtaine de mètres en avant de l’emplacement des exécutions, est adossé à la forêt. Il se compose d’une longue stèle en pierre, quadrangulaire, qui symbolise un poteau d’exécution, avec au sommet quatre facettes comportant une inscription : « Ici les Allemands fusillaient / les soldats de la Résistance / qui ont espéré et combattu. / Passant recueille-toi ». Cette longue stèle se trouve sur un tertre comprenant un escalier et deux parterres ornés de croix de Lorraine en buis et de fleurs, le tout entouré sur trois côtés par une haie. Quatre mâts, placés en arrière, près des arbres, permettent de placer des drapeaux lors des cérémonies. Sur le côté droit, il y a une hampe avec son drapeau. Un panneau a été rajouté sur le côté droit, sur la pelouse, avec l’inscription : « Monument de La Malpierre. Ici des hommes sont morts pour votre liberté. Ces lieux ont été leur dernière vision. Respectez-les ».

La répression venait à la fois des autorités françaises et des autorités allemandes qui avaient la tutelle des opérations. Les autorités de Vichy étaient représentées par la Section Spéciale à la Cour d’Appel du Tribunal de Nancy, dont les condamnés à de la prison servent ensuite d’otages, la Section Spéciale de la Police Judiciaire et la Section des Affaires Politiques (SAP) chargée de la répression de la Résistance. Les Allemands disposaient de la Feldkommandantur départementale avec sa police secrète (Geheime Feldpolizei), d’une Feldgendarmerie plus un Kommando de la Sipo-SD en 1942, et d’un tribunal militaire. C’est le Tribunal Militaire Allemand (Feldkommandantur 591) de Nancy, situé 4 avenue de la Garenne, qui a condamné à mort 59 victimes sur les 64 identifiées, soit par jugement direct ou par aggravation de la peine prononcée par la justice française. Parmi les noms des Allemands, les sources signalent : - Le Colonel Roller responsable de la Feldkommandantur 591 en 1941-1942. - Le docteur Zimmer, conseiller au Conseil de Guerre. - Le lieutenant Burckard, chargé de prendre les condamnés en prison pour les mener à la Petite Malpierre.

Les exécutions étaient réalisées par des soldats allemands du 379ème Régiment d’Infanterie, au nombre de 10, sous la direction du lieutenant Hoss, sous le commandement du commandant Stadler, en présence du docteur Neumann, médecin aide-major à la 169ème Division, du docteur Zimmer, de l’aumônier militaire catholique allemand Schilling, et d’un interprète nommé Gogeleir.

Les condamnés étaient menés par une voiture cellulaire depuis la prison Charles III de Nancy jusqu’au champ de tir de la Petite Malpierre.

Les victimes descendaient de la voiture cellulaire en compagnie de l’aumônier, tandis que les officiers allemands arrivaient en voitures. Les victimes étaient attachées aux poteaux d’exécution. Le docteur Zimmer lisait la sentence en allemand et l’interprète traduisait. Le peloton d’exécution, composé de 10 hommes sous la conduite d’un lieutenant, se plaçait à 5 pas de / ou des victimes, puis tirait ; puis le médecin militaire allemand vérifiait si les fusillés étaient bien tous morts (détails provenant du procès-verbal d’exécution d’Alfred Gauthier, 31 janvier 1941). Par contre, les 3 résistants de septembre 1944 furent sommairement abattus par les Gestapo dans la forêt où leurs corps furent retrouvés quelques jours après.

Après les exécutions, les Allemands dispersaient les corps entre les cimetières de plusieurs communes, éloignées les unes des autres, avec parfois deux cercueils par tombe, pour éviter les rassemblements non souhaités sur un même lieu. Dans le cas d’André Cajelot, fusillé le 21 février 1942, le corps fut enterré au cimetière de Champigneulles et les autorités allemandes refusèrent à sa famille le transfert du corps dans le caveau familial à Nancy. Ce fut après la Libération que les familles purent récupérer les corps et procéder à des réinhumations, mais il est possible que certaines victimes n’aient pas été clairement identifiées, et il y eu un cas d’interversion des noms sur deux cercueils !

Sur les 64 fusillés, il y eut : 9 fusillés en 1941 ; 35 fusillés en 1942, 5 en 1943, 15 en 1944 (Nancy fut libérée le 15 septembre 1944). 14 des fusillés étaient des étrangers (8 Italiens et 4 Polonais) car la Meurthe-et-Moselle était une terre de forte immigration. On peut noter qu’il y eut des exécutions en groupe, comme le 21 juillet 1942 avec 12 fusillés ; le 29 juillet 1942, avec 14 fusillés ; le 19 mai 1944, lorsque 11 personnes furent fusillées.

51 victimes sur 64 furent fusillées pour faits de résistance. A partir de l’été 1941, les victimes sont principalement des FTP (Francs-Tireurs Partisans) liés au Parti Communiste, très influent dans les milieux ouvriers, surtout à Auboué et dans le bassin de Briey. Les accusations portées par les tribunaux sont « sabotages et attentats » d’installations industrielles, de voies ferrées, d’installations électriques, mais aussi « aide à l’évasion de prisonniers de guerre » et « détention d’armes ».

En l’état actuel des recherches, on compte 64 victimes : - 59 fusillées après condamnation à mort par le Tribunal Militaire Allemand de Nancy. - 2 fusillées comme otages en représailles d’attentats. - 3 exécutées dans la forêt par la Gestapo en septembre 1944 en raison de leurs activités de maquisards.

Tous les fusillés étaient des hommes (les femmes étaient exécutées en Allemagne), assez jeunes (moyennes d’âge de 37 ans en 1941, 28 ans en 1942, 22 ans en 1943, 28 ans en 1944), le plus jeune étant âgé de 19 ans, le plus vieux de 59 ans. Ils étaient issus principalement de milieux ouvriers (36 victimes soit 58 % du total dont des mineurs, du personnel de la SNCF, des ouvriers de la sidérurgie et de la chimie), des classes moyennes (8 employés et 12 artisans ou commerçants soit 30 % des victimes) et du monde rural (7 agriculteurs et bûcherons). Cela correspond aux classes sociales de la Meurthe-et-Moselle de l’époque.

Les biographies des 64 victimes ont été récemment publiées par l’AFMD 54. Certaines victimes ont désormais une rue ou une place à Nancy : - Gabriel Mouilleron, né le 24 avril 1908 à Toul, aide-ajusteur à la SNCF, jugé pour « menées terroristes » et « recel de vol qualifié », fusillé à la Petite Malpierre le 19 mai 1944. - André Cajelot, né le 24 juillet 1903 à Nancy, condamné à mort le 7 août 1941 pour avoir favorisé l’évasion de prisonniers de guerre, peine commuée en détention jusqu’à la fin de la guerre, condamné à mort comme otage et exécuté le 21 février 1942. - Auguste Crevisier, né le 2 août 1905, ajusteur à la SNCF, condamné à mort pour « menées terroristes » et « recel de vol qualifié », fusillé le 19 mai 1944.