1 - LE SITE DE LA SABLIÈRE À CHÂTEAUBRIANT

L’histoire de la Seconde Guerre Mondiale témoigne de la complexité d’un conflit qui n’a pas seulement vu s’opposer deux camps, mais dont les réalités ont toujours des répercussions aujourd’hui. En un moment où les médias pointent ce que nos contemporains appellent une « crise identitaire » généralisée, le rappel et la compréhension de notre passé doivent nous permettre une meilleure appréhension de notre présent. C’est dans ce but que les associations du souvenir sont créées : ne pas oublier ceux qui ont lutté contre les systèmes totalitaires, c’est à la fois leur témoigner le respect qu’ils méritent, mais aussi en faire des exemples pour les générations à venir. En se souvenant de ceux qui sont tombés, on rend leurs actes éternels. 

C’est dans cette logique que s’inscrit la création de l’Amicale de Châteaubriant- Voves-Rouillé-Aincourt. Tout d’abord appelée « Amicale des anciens internés politiques de Châteaubriant-Voves », sa constitution date du sortir de la guerre, dès septembre 1945. Par rachats successifs, elle réussit à être propriétaire de la Sablière, la carrière où ont été fusillés les « 27 de Châteaubriant ». En 1950, un projet d’aménagement comprend le mémorial des fusillés et massacrés de la résistance, surmonté par la statue des martyrs d’Antoine Rohal. En avant du monument, en demi-cercle, neuf groupes de trois stèles rappellent les 27 qui sont tombés sous les balles allemandes le 22 octobre 1941

Le monument en lui-même est percé de 183 alvéoles, remplies avec de la terre prélevée sur les lieux de résistance à travers l’Europe et l’Algérie (puisque l’Algérie était française à l’époque). En réalité, 24 de ces alvéoles sont aujourd’hui encore vides, et le remplissage des autres s’est fait en plusieurs étapes. Ainsi, dès l’origine, le monument était voué à être complété, à susciter d’autres remplissages, d’autres collectes. Dans l’ensemble, les lieux concernés se trouvent en France, localités ou départements en général, mais une douzaine d’alvéoles ont une dimension internationale, en présentant des terres tchèques, allemandes, russes ou encore algériennes. C’est une façon de témoigner du fait que la résistance ne s’est pas limitée aux frontières françaises, mais qu’elle concerne l’ensemble des populations touchées par le conflit. 

© Hélène Charron

2 - LE PROJET PÉDAGOGIQUE ET SES ENJEUX 

Cependant, depuis les années 1950, le monument a vieilli, et aujourd’hui son état n’est plus à la hauteur du message qu’il véhicule, la volonté de ne pas oublier. C’est la raison pour laquelle un projet pédagogique de restauration et de collecte de mémoire est lancé. 

Ses objectifs sont simples : 

• Restaurer le monument : la végétation s’est développée à l’intérieur des alvéoles, et une nouvelle collecte de terre est nécessaire. 

• Remobiliser le réseau qui avait été à l’origine du premier projet, et l’étendre tant au niveau national qu’au niveau européen. 

• Investir les jeunes générations dans cette nouvelle collecte de mémoire et dans sa sauvegarde. 

• Poursuivre et centraliser la recherche sur les lieux de résistance en France et en Europe, pour ensuite rendre accessible ce savoir. 

• Construire un projet en plusieurs étapes afin d’instaurer une certaine dynamique. 

• Valoriser les spécificités de la résistance en pays castelbriantais. 

Dans la pratique, cela se résume à faire participer des classes à cette double collecte de terre et de mémoire. Associer les plus jeunes générations au projet est le moyen d’en pérenniser les effets. Pour les classes participantes, la démarche consiste à mettre en évidence les valeurs de la résistance, et ainsi de marquer l’opposition aux régimes totalitaires. L’affirmation du principe démocratique est l’un des enjeux majeurs de l’enseignement français. Dans ce sens, la réflexion sur la citoyenneté et sur les devoirs du citoyen semble être plus que jamais d’actualité. Le projet pédagogique de restauration du monument se propose d’être un élément fédérateur autour de cette réflexion. 

Les niveaux concernés sont en priorité ceux dont le programme traite de la Seconde Guerre Mondiale et des régimes totalitaires. Il s’agit des classes de troisième (thème II fixé par le BO spé. n°42, novembre 2013), des classes de première ES et L (tenant compte de l’arrêté du 5 novembre 2012, les thèmes II et III), des classes de première S (thème II fixé par le BO n°8, février 2013) et, dans une certaine mesure, de l’ensemble des classes de seconde et première en rapport avec le programme d’éducation civique, juridique et sociale (BO spé. n°9, septembre 2010 et BO spé. n°21, mai 2011). 

À chaque établissement participant est associée l’une des alvéoles du monument, soit par attribution directe, soit par choix de l’établissement ou des différents partenaires. L’intérêt de l’entreprise consiste en la restauration du monument à hauteur d’une douzaine d’alvéoles par an. En démultipliant ainsi les étapes de restauration, on permet un entretien sur la durée de la mémoire des résistants. Tous les ans, la douzaine de classes ayant participé vient au moment de la commémoration (octobre) pour remettre en place l’alvéole avec les nouvelles terres. 

Chaque année, l’une des classes se trouvera associée à une alvéole aujourd’hui vide. Il s’agit de motiver de nouveaux partenariats dans le réseau international des résistants. Ces échanges, plus complexes, doivent permettre d’étendre nos connaissances sur les modalités de résistance en dehors des frontières de la France. 

3 - LE LIVRET PÉDAGOGIQUE 

En parallèle de la collecte de terre, chaque classe devra aussi procéder à une collecte de mémoire. Elle aura à sa disposition un livret pédagogique à remettre aux élèves afin de leur permettre de prendre des notes et de garder une trace de leurs recherches. 

Toutes les informations collectées seront ensuite ajoutées à une base de données. Celle-ci fera par exemple figurer : 

• Des informations sur les conditions de détention lorsque le lieu de résistance est aussi un lieu d’internement. 

• Les éventuelles catégories d’internés ou les types de population. 

• La période durant laquelle le lieu de résistance a été occupé (de même que les différentes occupations). 

• La part des femmes dans la résistance. • Le nombre de personnes concernées. • Les événements marquants... 

En plus de cela, la base de données comprend un champ technique afin de référencer au mieux la nouvelle collecte de terre. En face des anciennes lettres des collectivités qui avaient envoyé des délégations pour porter la terre de leur lieu de résistance, on pourra ainsi trouver les photos de la classe qui a fait la nouvelle collecte. Le livret pédagogique, outre la partie pour la collecte de mémoire, présente aussi une partie sur l’histoire générale du conflit, afin que les élèves ne soient pas perdus dans leur chronologie. Il s’agit ici de pouvoir resituer la résistance vis-à-vis des grandes étapes de la guerre et de lui donner toute sa place. Ainsi, des cartes sont adjointes au livret pour permettre de localiser les lieux de résistance dont l’élève pourrait être amené à entendre parler. De petits « exercices » lui permettent de performer lui-même son savoir (texte à trous, colorisation de carte, légendage 

LE PROGRAMME PÉDAGOGIQUE PRÉVOIT, PAR LA PARTICIPATION ACTIVE 

DE SCOLAIRES, UNE RESTAURATION COMPLÈTE DES ALVÉOLES DU MONUMENT DE LA CARRIÈRE PRÉSENTANT LA TERRE DE LIEUX DE RÉSISTANCE, ET PAR ELLE, 

UNE APPROPRIATION DE L’HISTOIRE PAR LES JEUNES GÉNÉRATIONS. 

de document). Enfin, le livret comprend un bref résumé sur la résistance en pays castelbriantais et sur les événements de Châteaubriant. En plus de lui permettre de mieux appréhender cette spécificité, cette partie a pour but de donner à l’élève des moyens de comparaison avec les autres lieux de résistance qu’il sera amené à côtoyer. 

4 - LES COLLECTES 

À partir du moment où une classe a choisi l’alvéole qu’elle allait restaurer, elle peut entreprendre sa collecte. Il existe plusieurs cas de figure : 

• la classe en question dépend du pays castelbriantais ou des environs, et décide de partir chercher la terre sur un autre lieu de résistance. Sur place, un intermédiaire (personnalité locale en relation avec l’histoire de la résistance, partenaire de l’Amicale, équipe municipale...) attend les élèves, et les accompagne dans leurs recherches. Une fois la collecte effectuée (terre et mémoire), la classe est invitée à participer à la saisie des informations dans la base de données. Enfin, en octobre, au moment de la commémoration annuelle, elle vient remettre la terre collectée dans l’alvéole du monument. 

• la classe dépend d’un lieu de résistance en dehors de la région. Elle procède à la collecte sur son territoire selon les mêmes modalités que précédemment et dispose d’un interlocuteur pour l’y aider (là encore, l’intermédiaire aura été contacté avant). En octobre, elle est invitée à participer à la commémoration et à découvrir les spécificités du site de la Sablière et de la résistance en pays castelbriantais. 

• la classe ne dépend pas du pays castelbriantais et décide de restaurer une alvéole qui fait référence à un lieu de résistance autre que celui auquel elle pourrait être rattaché (notamment parce que cette restauration a peut-être déjà eu lieu). Elle entame sa collecte selon les mêmes modalités et est aussi invitée à découvrir l’histoire de la résistance à Châteaubriant au moment de remettre la terre collectée dans le monument. 

Dans chacun des cas, la classe participante est aidée sur le lieu de collecte par une personnalité locale, préalablement contactée par les chargés de projet. Tout le déroulé de la collecte est prévu en amont : le matériel est dépêché sur place avant l’arrivée de la classe et le programme est établi à l’avance. Une fois la collecte terminée, les élèves saisissent eux-mêmes les informations qu’ils ont récupérées dans la base de données (l’un des chargés de projet contrôle les informations avant leur édition numérique), et la classe conserve l’échantillon de terre jusqu’à son dépôt dans l’alvéole du monument en octobre, au moment de la commémoration annuelle. 

5 - LES PARTENAIRES DE LA MÉMOIRE 

Les archives de l’Amicale de Châteaubriant-Voves-Rouillé- Aincourt mentionnent les premiers envois de terre. Les délégations qui sont venues au moment des commémorations passées spécifiaient l’endroit dans lequel avaient été prélevées les terres de résistance. Ce réseau de partenaires est bien évidemment le premier interlocuteur du projet de restauration du monument. Ils sont aussi autant d’intermédiaires grâce auxquels les élèves de secondaire pourront avoir accès à la mémoire des résistants. 

Cependant, ce réseau, si grand soit-il, ne suffit pas à bâtir un projet tel que celui-ci. Tout d’abord parce qu’il n’en a pas les moyens, mais surtout parce que ce n’est pas le but que s’était donnée la première collecte de terre. En construisant un monument dans lequel certaines des alvéoles étaient vides, la volonté de ceux qui ont façonné ce projet était de permettre la perpétuelle constitution de partenariats. En motivant d’autres collectivités, on permet à la Résistance d’acquérir toute sa dimension nationale, et même internationale. 

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